samedi 18 avril 2009

Rencontre Bazerque Gensous

Mercredi 7 janvier 2009 ; Cinquante cinq ans après,

la rencontre de Louis BAZERQUE et Pierre GENSOUS

Article écrit par Georges DARRICAU , Section PCF St Vncent de Tyrosse

Ils font tous les deux partie de ma section communiste, Louis BAZERQUE à Capbreton et Pierre GENSOUS à Labenne où ils habitent depuis quelques années. Ils se sont connus militants à TARBES et tous deux ont eu d'importantes responsabilités au PCF(1) et à la CGT(2).

La météo annonce chez nous la tempête de neige pour demain.

Mais c'est une autre tempête qui frappe à Gaza par la folie meurtrière de l'Etat d'Israël contre le peuple palestinien déjà durement martyrisé au mépris de toutes les résolutions internationales. Par leur complicité active, les USA(3), la France et l'Europe couvrent les crimes commis contre hommes, femmes et enfants bombardés dans des écoles, des hôpitaux, des bâtiments civils de l'Autorité palestinienne. La propagande de guerre complaisamment relayée par des journalistes aux ordres agite le Hamas(4) comme un épouvantail terroriste afin de justifier l'innommable agression d'un état surarmé.

A 15H, Pierre GENSOUS (né en 1925 à Mont de Marsan) aujourd'hui domicilié 10, rue des Jonquilles à LABENNE et moi avons rendez-vous avec Louis BAZERQUE (né en 1913 à NEW-YORK) qui habite actuellement avec sa fille et son gendre Madeleine et Claude CONTRAIRES – 2, Boulevard des Cigales – Lotissement du Gaillou à CAPBRETON. C'est là que nous nous rencontrons autour d'une belle flambée, d'un bon café et de chocolats. L'accueil de Louis BAZERQUE, sa fille et son gendre sont très chaleureux.

Louis BAZERQUE cheminot retraité et Pierre GENSOUS qui fut métallo à Hispano-Suiza de Tarbes mais dont le père fut cheminot avec Louis, ont tous deux l'accent et le caractère bien trempé des bigourdans.

Pierre GENSOUS a quitté Tarbes en 1954 quant il fut élu secrétaire de la fédération CGT de la Métallurgie avant de devenir en 1969 secrétaire général de la Fédération syndicale mondiale (FSM) à Prague et membre du Bureau confédéral de la CGT. Membre du Comité Central du PCF (1970-1978).

Louis BAZERQUE fut embauché le 1er janvier 1937 à la gare de Sarrancolin qui appartenait à la P.O.Midi (Paris Orléans Midi), juste avant que la compagnie ne devienne SNCF(5) le 1er janvier 1938 sous l'impulsion du gouvernement de Front Populaire. Louis est toujours lecteur de puis 1947 de la Vie Ouvrière (aujourd'hui NVO(6)) qu'il diffusait en vente militante à Tarbes avec François DUCOS. Il était responsable régional CGT cheminot et membre actif du Parti communiste français (PCF). Il siégeait au Comité fédéral des Hautes Pyrénées, tout comme Pierre GENSOUS qui a quitté Tarbes pour Paris en 1954.

Ils ne se sont pas revus depuis 55 ans sauf peut-être un hasard où Pierre crut reconnaître Louis au col de Boucharot près de Gavarnie.

Après un bref échange sur la famille, frères et sœurs, Louis BAZERQUE lance : « Et la situation à Gaza ? »

Pierre GENSOUS : «C'est horrible et on en parle avec une désinvolture incroyable ! »

L'échange se poursuit sur la situation internationale et Pierre remarque l'Humanité et la Canard enchaîné sur la table. Ils ont parmi d'autres, les mêmes lectures, Louis ajoutant qu'il pratique également avec passion les mots croisés, Sudoku et autres, qui l'aident à activer ses neurones et combattre le risque d'abandon vu son âge et sa surdité (il est appareillé). Mais tout au long de l'entretien l'entente entre les deux militants est parfaite et je participe à un dialogue passionnant.

Louis BAZERQUE se souvient des parents de Pierre, Yvonne et Bernard GENSOUS qui était conducteur électricien chez les cheminots tarbais.

Défile alors le rappel des camarades qu'ils ont connus comme RIVIERE décédé en 2005 et son épouse Emilienne, Simon MIRAVETTE ancien secrétaire du syndicat des cheminots qui serait à Pau chez sa fille, Louis SAINT MACARY un militant qui avait été licencié de chez SMF(7) et embauché par l'entreprise Garraud (meubles, électroménager…) comme plusieurs autres militants victimes de la répression patronale. Robert DUPONT passionné de vélo et d'aventures qui a parcouru le monde et réalisé des films, un artiste de 80 printemps !

Robert MOL, GANIVEL, CANDEBAT (habitant Louey où il entretenait la maison de Jacques DUCLOS), DUHAU conducteur électricien à la SNCF et animateur de l'association d'anciens combattants à laquelle Louis adhère (ANCAC(8) – cheminots – ANACR(9) et ARAC(10)).

En 1950, Louis BAZERQUE qui était secrétaire de secteur CGT Cheminots, se déplaçait dans toute la Région et il ne manquait pas à l'occasion de rendre visite à la Fédération PCF des Landes où il rencontrait Jean LESPIAU et André CURCULOSSE.

Pierre GENSOUS rappelle qu'il a travaillé quelques jours en 1944 au dépôt SNCF de Tarbes après l'anéantissement de son groupe de Résistance attaqué par la Milice. Il faisait partie du « Corps-Franc Pommiès » et après un peu de récupération il intégra les combats dans l'armée de Libération constituée avec les armées allées des Forces françaises libres (FFL) et des Forces françaises de l'intérieur (FFI).

Son père, pourtant cheminot, le dissuadait d'entrer à la SNCF.

Pierre et Louis parlent des 10 ans de lutte (1987-2007) menée contre la fermeture de l'Arsenal de Tarbes relatée dans un article de la Nouvelle République des Pyrénées (et un livre de Claude LARRONDE : Arsenal de Tarbes lutte et fin d'une épopée 1987 – 2006 – NDLR).

Ils se rappellent également la grande grève de 1947 qui a débouché sur une augmentation de salaire de 23% à la SNCF avec la totalité des agents en grève y compris maîtrises et cadres. Un seul agent du Dépôt, non gréviste, se distinguait en travaillant seul.

Où va le PCF ?

La dissolution des cellules, est-ce une bonne chose ? On a favorisé la dispersion avec la nouvelle organisation en se regroupant sur des territoires trop vastes selon Louis BAZERQUE qui était secrétaire de section communiste à Aureilhan (a côté de Tarbes - aujourd'hui 4ème ville des Hautes Pyrénées avec 7500 habitants. La section éditait régulièrement un journal et tout cela a disparu dans le secteur.

Le 34ème congrès du PCF (du 11 au 14/12/2008 à Paris)

Pierre GENSOUS pose la question de la répartition des sièges au Comité National avec les 4 listes qui se sont présentées au suffrage des délégués du congrès.

Il ne comprend pas la position de Marie Pierre VIEU secrétaire départementale des Hautes Pyrénées dont le comité départemental a adopté selon ses dires à l'unanimité la base commune de discussions et qui a mené une liste « alternative » à celle proposée par le Comité national.

Louis BAZERQUE aurait aimé que l'on pose des questions plus politiques. On critique un peu par-ci, un peu par-là et ça manque de radicalité. C'est dans l'entreprise que se situe l'exploitation et nous sommes trop faibles sur ce sujet.

Pierre GENSOUS rappelle que l'époque est conditionnée par « ce qui se passe à côté ». En effet on parle davantage du groupe PS que du PCF. Or s'il ne faut pas négliger l'importance du Parti socialiste, il faut aussi rappeler sa lourde responsabilité dans les difficultés d'aujourd'hui et les conséquences de ses choix pour le Traité de Lisbonne comme dans la modification constitutionnelle obtenue par Sarkozy grâce à l'abstention de la majorité du groupe socialiste au Congrès (Assemblée Nationale et Sénat réunis). Et il y a toujours sa position pour le oui au Traité constitutionnel européen du 29 avril 2005. Le non l'avait largement emporté, d'où la crise politique au PS. Il faut rappeler les choses pour que ce soit clair.

Louis BAZERQUE n'a pas aimé la suppression de la faucille et du marteau comme symbole du PCF ni leur disparition du titre du journal l'Humanité.

Pierre GENSOUS rappelle que l'image faucille/marteau c'était la révolution russe… Et que représente aujourd'hui la faucille pour la paysannerie et même le marteau chez les ouvriers !

Louis BAZERQUE dit que maintenant ça fait nu et « le titre me plaisait avec les outils ».

Il critique la période où Robert HUE était à la tête du PCF choisissant la cooptation des partisans de la mutation (référence au livre de Robert HUE « Communisme : La mutation » - éditeur LGF - Livre de Poche - 1997) et laissant de côté ceux qui n'étaient pas d'accord.

Pierre GENSOUS rappelle qu'il y avait aussi beaucoup d'élus dans les instances dirigeantes du parti et « je vois que tu n'aimes pas beaucoup Robert HUE ».

Louis BAZERQUE : « Je n'aime pas les pantoufles »

Georges DARRICAU. On ne peut pas occulter tous les bouleversements intervenus comme la chute du « Mur de Berlin » avec tous les évènements qui l'ont précédé. Il faut prendre en compte l'effondrement de l'URSS en 1991 et au final l'échec des pays dits « du socialisme existant ». Cela a été un choc pour tous les communistes qui avaient tendance à faire référence, malgré les défauts et les échecs constatés, à l'espoir d'une autre société qui se réalisait à l'Est, un modèle en quelque sorte, même s'il ne pouvait pas s'appliquer en l'état chez nous. Cet échec nous a amené à mettre à jour notre notion du communisme en tenant compte de la société d'aujourd'hui et des révolutions scientifiques, techniques, informationnelles et idéologiques qui sont à l'œuvre. Nous devons réévaluer nos actions et nos stratégies en essayant de comprendre mieux la période complexe que nous vivons. Il faut proposer des perspectives pour construire le mouvement populaire majoritaire seul apte à transformer à société par de luttes démocratiques et radicales.

Louis BAZERQUE dit qu'on est sorti d'une exploitation sévère pour aller vers une exploitation encore plus dure. Par exemple, on parle de la retraite à 70 ans…

La politique

Louis BAZERQUE. A une époque, la politique était dite « sale » dans les médias et ça pèse encore dans le débat citoyen. Même dans des familles de militants, on a du mal à parler de politique sereinement, naturellement.

Pierre GENSOUS insiste sur l'influence énorme des médias sur les comportements, notamment la télévision.

Georges DARRICAU partage ce point de vue. La dictature de l'image joue sur l'émotionnel au détriment de la réflexion, du débat, de la confrontation des analyses. La « culture du débat » est à reconquérir.

Syndicat et parti, y a-t-il contradiction ?

Louis BAZERQUE et Pierre GENSOUS sont toujours adhérents à la CGT et au PCF.

Pour Louis BAZERQUE, si l'on réfléchit, le parti c'est pour l'avenir et le syndicat c'est la vie quotidienne et ses besoins immédiats.

Pierre GENSOUS a du mal à comprendre comment, avec tous les coups de la droite contre le peuple, les travailleurs, la droite se maintient encore au pouvoir et pourquoi le PCF est tombé au-dessous de 2% des voix à l'élection présidentielle.

A côté de ça, Besancenot qui « est pour tout ce qui est contre et contre ce qui est pour » accroche une part de l'électorat de gauche.

Selon Pierre et Louis, Besancenot sert de repoussoir à la droite pour se maintenir au pouvoir lors des élections comme Le Pen servait de repoussoir à Mitterrand pour se faire réélire en 1988.

Pierre et Louis rappellent cette déclaration du père de Jean ORTIZ (historien) récemment décédé. « Le PCF ne peut plus faire aujourd'hui ce qu'il faisait avant où alors il faut le faire différemment ».

La question se pose pour les communistes de réinvestir leur histoire afin de ne pas en porter éternellement la culpabilité provoquée par l'anticommunisme de la droite et de la social-démocratie et manquer d'ambition dans leurs objectifs politiques. Cette question est importante pour être en capacité d'agir sur l'avenir et pour le communisme d'autant que la droite et le PS sont capables de s'entendre contre le PCF.

Questions d'actualité

La Poste, l'école…. Les actions à mener pour les services publics, les droits des travailleurs dans les entreprises et dans la cité, la paix et la solidarité internationale, le pouvoir d'achat des salaires et retraites pour vivre mieux au quotidien sont au menu des débats.

C'est Louis BAZERQUE qui apporte le mot de la fin d'une belle rencontre et d'un entretien très riche : « Militer, c'est prendre contact avec les gens pour faire avancer les idées ».


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Lexique:

(1)
Parti communiste français

(2)
Confédération générale du travail

(3)
Etats unis d'Amérique

(4)
« Mouvement de résistance islamique » parti politique islamiste palestinien créé en 1987

(5)
Société nationale des chemins de fer français créée par le Front Populaire

(6)
Nouvelle Vie Ouvrière

(7)
Société de Matériel de Forage (pétroles)

(8)
Association nationale des cheminots anciens combattants

(9)
Association nationale des anciens combattants de la Résistance

(10)
Association républicaine des anciens combattants

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